Nous étudions, dans ce paragraphe, les relations entre l’oral, la parole, à laquelle l’on accède par un apprentissage spontané, et l’écrit, qu’on ne maîtrise qu’au terme d’un apprentissage systématique. Les faits phoniques sont constitués par les éléments du langage qui n’ont pas de sens, les éléments non signifiants. Par exemple, si le mot lac a un sens, il n’en va pas de même des sons [ᶩ], [а], [k] qui le composent et qui sont transcrits graphiquement par les lettres l, a et c. Les parties de la grammaire qui traitent de ces faits sont la phonétique et la phonologie. L’étude de tous les phénomènes linguistiques peut être envisagée de deux points de vue complémentaires, selon que l’on envisage les matériauxconcrets utilisés, et l’on traite alors de la substance, ou selon que l’on envisage les relations que les éléments entretiennent et le rôle qu’ils jouent dans la langue, et l’on traite alors de la forme.Cette distinction est précisément celle qui permet d’opposer phonétique et phonologie. La phonétique s’intéresse à tout ce qui touche à la production et à la perception des sons, des accents et des intonations, tandis que la phonologie suppose une analyse aboutissant à la mise en évidence d’unités fonctionnelles et relationnelles. Partant de ce qui précède, onne parlera successivement que des sons, de ce que l’on regroupe sous le terme de prosodie, accents et intonation. Considéré phonétiquement, le français se caractérise par unegrande netteté articulatoire due entre autres à une forte tension articulatoire : les sons sont ainsi particulièrement précis. Le français en connait trois types : les voyelles, les consonnes et les glides, appelés aussi semi – consonnes ou semi-voyelles. Les voyelles sont toutes sonores, c’est-à-dire que leur production est accompagnée de vibrations des cordes vocales [a], [i]. De plus, lors de la production l’air ne rencontre aucun obstacle sur son passage dans la bouche. Les consonnes, elles, se répartissent généralement en deux séries, l’une sonore, comme [b] ou [d], l’autre sourde, comme [p] ou [t], sans vibrations des cordes vocales. L’air, cette fois, rencontre un obstacle en un ou plusieurs points de la bouche. 12 Les glides sont phonétiquement très proches des voyelles, mais comme les consonnes, ils ne peuvent pas, à eux seuls, former une syllabe. Le français connait un accent non de mot, mais de groupe : Un petit enfant. Il sera repris, dans les lignes qui suivent, la liste des sons et leur représentation dans l’alphabet phonétique international (API) : Voyelles (16) Les voyelles du français se répartissent en deux grandes catégories, selon qu’elles sont orales (l’air s’échappe entièrement par la bouche) ou nasales (l’air s’échappe également par les fosses nasales). Dans l’une et l’autre catégorie, on peut opposer les voyelles selon trois paramètres : le point d’articulation, selon qu’elles sont prononcées en avant de la bouche ou en arrière, l’arrondissement (la labialisation) ou la rétraction des lèvres, et l’ouverture plus ou moins grande de la bouche. Dans l’ensemble, les voyelles antérieures et labiales sont les plus nombreuses.
Les glides Sous ce nom sont regroupés trois sons qui se rapprochent des voyelles, dont ils ont le point d’articulation, mais qui joignent à cette caractéristique un bruit de frottement, puisque le passage de l’air entre la langue et le palais est plus étroit pour elles que pour les voyelles correspondantes. Ils se distinguent de surcroît des voyelles en ce qu’ils ne peuvent pas constituer le centre d’une syllabe et sont donc toujours accompagnés d’une voyelle. Ce sont [j] proche de [i] = [abƐj] 14 [y] proche de [Y] = [yit] [w] proche de [u] comme dans loi [lwa]. Tous les glides sont sonores. L’API obéit à un principe simple : à chaque son différent d’une langue correspond, dans un système de transcription arbitraire, un signe graphique différent. Chaque couple son/graphie ainsi créé de toutes pièces constitue donc une relation univoque (un son est toujours traduit de la même façon) réciproque (sons ↔ signe écrit), que l’on pourrait appeler biunivoque et énoncer simplement de la sorte : « un signe pour chaque son, un seul son pour chaque signe ». Signes de ‘A.P.I. utilisés pour le français. Pour la transcription phonétique, on pourra se conformer aux recommandations suivantes : • Tracé des lettres : Dans les transcriptions manuscrites, on ne cherche pas à imiter les caractères d’imprimerie, sauf pour l’a de papa ou pars distingué de celui de pas ou vase, et que le z qu’il faut soigneusement distinguer du signe usité pour joue et rage. • Séparation des lettres : on ne liera pas les lettres comme elles le seraient dans l’écriture manuscrite; plusieurs ne s’y prêtent pas : a Σ z…η • Ponctuation: On pourra copier les signes de ponctuation, qui ont une valeur phonique, mais on ne fera pas usage de majuscules au début des noms propres ou des phrases. Les traits d’union seront supprimés, sauf en fin de ligne si l’on n’a pas su éviter de couper un mot. • Elision : Un mot élidé restera séparé du mot qui le suit, mais on ne marquera pas l’élision par une apostrophe, car ce signe a d’autres fonctions en phonétique. Exemple : c’est l’heure [s lær] • Liaisons. Les consonnes de liaison seront écrites en tête du second mot dont elles contribuent à former la première syllabe ; les mots n’en seront pas moins séparés Un enfant [œ n ãfã] grand homme [grã t m] Les îles [le zil] Les rois et les reines [le ze le r Σ n] Remarque : Dans une âme, grande île, il y a élision et non liaison, et l’on écrira : [yn an] [grâd il] 15 • Crochets : un phonème ou un groupe de phonèmes notés en graphie phonétique seront placés entre crochets s’ils sont insérés dans un texte en écriture normale ; exemple : « les mots motte, [ m t ] et mode [m d ] sont distingués par l’opposition sourde/sonore des phonèmes [t ] et [d ] ».
La prosodie On regroupe sous ce terme des phénomènes comme l’accent, les tons, le rythme, la quantité et l’intonation.Ils font intervenir l’intensité, la durée et la hauteur de son. On les appelle parfois phénomènes suprasegmentaux. Puisqu’ils échappent à l’analyse en phonèmes : la phrase serait ainsi formée de deux lignes parallèles, celle des phonèmes et celle de la ligne mélodique qui s’ajouterait en quelque sorte à la première. La ligne mélodique est aussi segmentable et les faits prosodiques constituent de véritables unités linguistiques. Il convient de distinguer le niveau de la prosodie spontanée et celui de la prosodie linguistique, où les oppositions des unités sont du même type que celles des phonèmes et présentent des fonctions importantes. Ici on se bornera aux problèmes liés à l’accent, au rythme et à l’intonation qui mettent essentiellement en jeu l’intensité et la durée. 2.1. L’accent Sur le plan phonétique, les paramètres essentiels qui caractérisent l’accent sont la fréquence fondamentale du son, la durée, l’intensité et le timbre. L’importance relative de ces divers facteurs diffère de langue à langue. En français, c’est la durée et l’intensité qui sont utilisées. Sur le plan phonologique, où l’on aborde la question du rôle de l’accent, le français est prévisible, puisque l’accent se place toujours sur la dernière syllabe du mot isolé ou du groupe, du syntagme dans lequel il est inséré : Tabléau Un tableau nóir Le français fait partie des langues à accent syntaxique, où l’accent ne porte pas sur un mot, mais sur un syntagme. En français, on distingue deux types d’accent, un accent dit interne, non emphatique, et un accent dit externe ou emphatique lié à des facteurs expressifs et intellectuels, alors que le premier est purement linguistique. L’accent interne frappe la dernière syllabe du mot isolé (l’avant-dernière si elle comporte un [ₔ]) : Garçón ; anticonstitutionnellemént ; petite 16 Ou la dernère syllabe du groupe dans lequel il est inséré : Un petit garçón 2.2. Le rythme Le rythme linguistique est lié à l’accent. Il consiste dans la récurrence de groupes, de mesures, comprenant un nombre identique ou approximativement semblable de syllabes, dont les unes sont atones et la dernière accentuée. La ressemblance ou l’identité entre les mesures rythmiques est à la fois d’ordre numérique et temporel : numérique, puisque, les groupes délimités par l’accent ont le plus souvent trois ou quatre syllabes ; temporel, puisque les enregistrements phonétiques montrent une tendance à allonger les groupes numériquement plus courts. L’utilisation de ce rythme est évidemment optimale en poésie. 2.3. L’intonation Elle est liée à la ligne musicale de la phrase, la mélodie, et permet de délimiter une phrase phonologique, correspondant sur le plan phonétique à la phrase syntaxique. L’unité intonative est ce que les phonéticiens appellent l’unité de modulation : elle est délimitée par une cadence conclusive et contient un centre intonatif affecté à une syllabe porteuse d’accent. L’unité intonative » est suivie d’une pause. Elle peut se subdiviser en groupes intonatifsterminés par un accent, qui ne sont pas, eux, nécessairement suivis d’une pause : Le petit garçón / joue au ballón / dans la cóur Groupes intonatifs groupes accentuels coïncident ainsi en français. L’intonation assure trois types de fonctions : a.- une fonction modale : le choix d’une intonation terminale particulière indique souvent à elle seule à quelle catégorie appartient la phrase, par exemple : affirmative : tu sors. Exclamative : tu sors ! Interrogative : tu sors ? Jussive : tu sors. b.- une fonction d’organisation de l’énoncé :en premier lieu, l’intonation permet de conférer à un mot ou à un syntagme le statut de phrase (fonction intégrative). Ainsi un mot isolé pourra constituer un énoncé complet s’il est accompagné d’une intonation adéquate (d’exclamation, d’appel…). En second lieu, l’intonation permet de segmenter l’énoncé en groupes 17 syntaxiquement bien formés et permet d’indiquer la hiérarchie des éléments de l’énoncé, en particulier en ce qui concerne l’apport plus ou moins nouveau de chacun d’eux, c’est-à-dire ce que l’on appelle la focalisation. On opposera ainsi :