II.1. LES SONS

Nous étudions, dans ce paragraphe, les relations entre l’oral, la
parole, à laquelle l’on accède par un apprentissage spontané, et l’écrit,
qu’on ne maîtrise qu’au terme d’un apprentissage systématique.
Les faits phoniques sont constitués par les éléments du langage qui
n’ont pas de sens, les éléments non signifiants. Par exemple, si le mot lac a
un sens, il n’en va pas de même des sons [ᶩ], [а], [k] qui le composent et qui
sont transcrits graphiquement par les lettres l, a et c. Les parties de la
grammaire qui traitent de ces faits sont la phonétique et la phonologie.
L’étude de tous les phénomènes linguistiques peut être envisagée de
deux points de vue complémentaires, selon que l’on envisage les
matériauxconcrets utilisés, et l’on traite alors de la substance, ou selon que
l’on envisage les relations que les éléments entretiennent et le rôle qu’ils
jouent dans la langue, et l’on traite alors de la forme.Cette distinction est
précisément celle qui permet d’opposer phonétique et phonologie.
La phonétique s’intéresse à tout ce qui touche à la production et à la
perception des sons, des accents et des intonations, tandis que la phonologie
suppose une analyse aboutissant à la mise en évidence d’unités
fonctionnelles et relationnelles.
Partant de ce qui précède, onne parlera successivement que des
sons, de ce que l’on regroupe sous le terme de prosodie, accents et
intonation.
Considéré phonétiquement, le français se caractérise par unegrande
netteté articulatoire due entre autres à une forte tension articulatoire : les
sons sont ainsi particulièrement précis. Le français en connait trois types :
les voyelles, les consonnes et les glides, appelés aussi semi – consonnes ou
semi-voyelles.
Les voyelles sont toutes sonores, c’est-à-dire que leur production
est accompagnée de vibrations des cordes vocales [a], [i]. De plus, lors de la
production l’air ne rencontre aucun obstacle sur son passage dans la
bouche.
Les consonnes, elles, se répartissent généralement en deux séries,
l’une sonore, comme [b] ou [d], l’autre sourde, comme [p] ou [t], sans
vibrations des cordes vocales. L’air, cette fois, rencontre un obstacle en un
ou plusieurs points de la bouche.
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Les glides sont phonétiquement très proches des voyelles, mais
comme les consonnes, ils ne peuvent pas, à eux seuls, former une syllabe.
Le français connait un accent non de mot, mais de groupe :
Un petit enfant.
Il sera repris, dans les lignes qui suivent, la liste des sons et leur
représentation dans l’alphabet phonétique international (API) :
 Voyelles (16)
Les voyelles du français se répartissent en deux grandes catégories, selon
qu’elles sont orales (l’air s’échappe entièrement par la bouche) ou nasales
(l’air s’échappe également par les fosses nasales).
Dans l’une et l’autre catégorie, on peut opposer les voyelles selon
trois paramètres : le point d’articulation, selon qu’elles sont prononcées en
avant de la bouche ou en arrière, l’arrondissement (la labialisation) ou la
rétraction des lèvres, et l’ouverture plus ou moins grande de la bouche.
Dans l’ensemble, les voyelles antérieures et labiales sont les plus
nombreuses.

  1. Les glides
    Sous ce nom sont regroupés trois sons qui se rapprochent des
    voyelles, dont ils ont le point d’articulation, mais qui joignent à cette
    caractéristique un bruit de frottement, puisque le passage de l’air entre la
    langue et le palais est plus étroit pour elles que pour les voyelles
    correspondantes. Ils se distinguent de surcroît des voyelles en ce qu’ils ne
    peuvent pas constituer le centre d’une syllabe et sont donc toujours
    accompagnés d’une voyelle. Ce sont [j] proche de [i] = [abƐj]
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    [y] proche de [Y] = [yit]
    [w] proche de [u] comme dans loi [lwa].
    Tous les glides sont sonores.
    L’API obéit à un principe simple : à chaque son différent d’une
    langue correspond, dans un système de transcription arbitraire, un signe
    graphique différent. Chaque couple son/graphie ainsi créé de toutes pièces
    constitue donc une relation univoque (un son est toujours traduit de la
    même façon) réciproque (sons ↔ signe écrit), que l’on pourrait appeler biunivoque et énoncer simplement de la sorte : « un signe pour chaque son,
    un seul son pour chaque signe ».
    Signes de ‘A.P.I. utilisés pour le français.
    Pour la transcription phonétique, on pourra se conformer aux
    recommandations suivantes :
    • Tracé des lettres : Dans les transcriptions manuscrites, on ne cherche
    pas à imiter les caractères d’imprimerie, sauf pour l’a de papa ou pars
    distingué de celui de pas ou vase, et que le z qu’il faut soigneusement
    distinguer du signe usité pour joue et rage.
    • Séparation des lettres : on ne liera pas les lettres comme elles le
    seraient dans l’écriture manuscrite; plusieurs ne s’y prêtent pas :
    a Σ

    z…η
    • Ponctuation: On pourra copier les signes de ponctuation, qui ont une
    valeur phonique, mais on ne fera pas usage de majuscules au début des
    noms propres ou des phrases. Les traits d’union seront supprimés, sauf
    en fin de ligne si l’on n’a pas su éviter de couper un mot.
    • Elision : Un mot élidé restera séparé du mot qui le suit, mais on ne
    marquera pas l’élision par une apostrophe, car ce signe a d’autres
    fonctions en phonétique.
    Exemple : c’est l’heure [s lær]
    • Liaisons. Les consonnes de liaison seront écrites en tête du second mot
    dont elles contribuent à former la première syllabe ; les mots n’en
    seront pas moins séparés
    Un enfant [œ n ãfã] grand homme [grã t m]
    Les îles [le zil]
    Les rois et les reines [le ze le r Σ n]
    Remarque : Dans une âme, grande île, il y a élision et non liaison, et l’on
    écrira :
    [yn an] [grâd il]
    15
    • Crochets : un phonème ou un groupe de phonèmes notés en graphie
    phonétique seront placés entre crochets s’ils sont insérés dans un texte
    en écriture normale ; exemple : « les mots motte, [ m t ] et mode [m d
    ] sont distingués par l’opposition sourde/sonore des phonèmes [t ] et [d
    ] ».
  2. La prosodie
    On regroupe sous ce terme des phénomènes comme l’accent, les
    tons, le rythme, la quantité et l’intonation.Ils font intervenir l’intensité, la
    durée et la hauteur de son. On les appelle parfois phénomènes
    suprasegmentaux. Puisqu’ils échappent à l’analyse en phonèmes : la
    phrase serait ainsi formée de deux lignes parallèles, celle des phonèmes et
    celle de la ligne mélodique qui s’ajouterait en quelque sorte à la première.
    La ligne mélodique est aussi segmentable et les faits prosodiques
    constituent de véritables unités linguistiques. Il convient de distinguer le
    niveau de la prosodie spontanée et celui de la prosodie linguistique, où
    les oppositions des unités sont du même type que celles des phonèmes et
    présentent des fonctions importantes.
    Ici on se bornera aux problèmes liés à l’accent, au rythme et à
    l’intonation qui mettent essentiellement en jeu l’intensité et la durée.
    2.1. L’accent
    Sur le plan phonétique, les paramètres essentiels qui caractérisent
    l’accent sont la fréquence fondamentale du son, la durée, l’intensité et le
    timbre. L’importance relative de ces divers facteurs diffère de langue à
    langue. En français, c’est la durée et l’intensité qui sont utilisées.
    Sur le plan phonologique, où l’on aborde la question du rôle de
    l’accent, le français est prévisible, puisque l’accent se place toujours sur la
    dernière syllabe du mot isolé ou du groupe, du syntagme dans lequel il est
    inséré :
    Tabléau
    Un tableau nóir
    Le français fait partie des langues à accent syntaxique, où l’accent
    ne porte pas sur un mot, mais sur un syntagme.
    En français, on distingue deux types d’accent, un accent dit interne,
    non emphatique, et un accent dit externe ou emphatique lié à des facteurs
    expressifs et intellectuels, alors que le premier est purement linguistique.
    L’accent interne frappe la dernière syllabe du mot isolé (l’avant-dernière si
    elle comporte un [ₔ]) :
    Garçón ; anticonstitutionnellemént ; petite
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    Ou la dernère syllabe du groupe dans lequel il est inséré :
    Un petit garçón
    2.2. Le rythme
    Le rythme linguistique est lié à l’accent. Il consiste dans la
    récurrence de groupes, de mesures, comprenant un nombre identique ou
    approximativement semblable de syllabes, dont les unes sont atones et la
    dernière accentuée. La ressemblance ou l’identité entre les mesures
    rythmiques est à la fois d’ordre numérique et temporel : numérique,
    puisque, les groupes délimités par l’accent ont le plus souvent trois ou
    quatre syllabes ; temporel, puisque les enregistrements phonétiques
    montrent une tendance à allonger les groupes numériquement plus courts.
    L’utilisation de ce rythme est évidemment optimale en poésie.
    2.3. L’intonation
    Elle est liée à la ligne musicale de la phrase, la mélodie, et permet de
    délimiter une phrase phonologique, correspondant sur le plan phonétique à
    la phrase syntaxique. L’unité intonative est ce que les phonéticiens
    appellent l’unité de modulation : elle est délimitée par une cadence
    conclusive et contient un centre intonatif affecté à une syllabe porteuse
    d’accent. L’unité intonative » est suivie d’une pause. Elle peut se subdiviser
    en groupes intonatifsterminés par un accent, qui ne sont pas, eux,
    nécessairement suivis d’une pause :
    Le petit garçón / joue au ballón / dans la cóur
    Groupes intonatifs groupes accentuels coïncident ainsi en français.
    L’intonation assure trois types de fonctions :
    a.- une fonction modale : le choix d’une intonation terminale particulière
    indique souvent à elle seule à quelle catégorie appartient la phrase, par
    exemple :
    affirmative : tu sors.
    Exclamative : tu sors !
    Interrogative : tu sors ?
    Jussive : tu sors.
    b.- une fonction d’organisation de l’énoncé :en premier lieu, l’intonation
    permet de conférer à un mot ou à un syntagme le statut de phrase (fonction
    intégrative). Ainsi un mot isolé pourra constituer un énoncé complet s’il
    est accompagné d’une intonation adéquate (d’exclamation, d’appel…). En
    second lieu, l’intonation permet de segmenter l’énoncé en groupes
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    syntaxiquement bien formés et permet d’indiquer la hiérarchie des éléments
    de l’énoncé, en particulier en ce qui concerne l’apport plus ou moins
    nouveau de chacun d’eux, c’est-à-dire ce que l’on appelle la focalisation.
    On opposera ainsi :