III.1. LA LECTURE

III.1.1. LA LECTURE A HAUTE VOIX
En maintes circonstances, on peut être amené à lire à haute voix,
pour citer par exemple un extrait d’un document.
Pour en avoir été parfois l’auditeur, vous savez que cet exercice
présente certains dangers : le lecteur ânonne, trébuche, se reprend, ou bien,
même si sa lecture est correcte, le ton et le débit sont si monotones qu’on «
perd le fil » au bout de quelques minutes.
Pour éviter ces difficultés, il y a trois impératifs :
Être audible,
Être clair,
Être vivant.
III. 1.1.A. ÊTRE AUDIBLE
III. 1.1.A.1. Articulez
Plus encore que l’exposé simplement parlé, dont l’auditeur suit
aisément le cours grâce aux intonations personnelles, à toute la mimique
dont on accompagne inconsciemment ce qu’on dit, la lecture, moins «
vécue », doit parvenir à l’auditoire sans qu’il en perde un mot ni une
syllabe. Ne parlez pas entre vos dents; ouvrez assez la bouche pour qu’on
entende parfaitement vos voyelles; faites sentir nettement vos consonnes.
Les exercices bien connus auxquels se livrent les apprentis comédiens ne
seraient pas ici sans utilité.
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III.1.1. A.2. Regarder l’auditoire
Si vous tenez les yeux obstinément fixés sur ce que vous lisez,
d’abord vous perdez le contact avec les assistants; ensuite, votre voix ne
s’adresse qu’au plancher. Obligez-vous à lever la tête, et pour cela tenez à
la main le papier ou le livre que vous avez à lire; vous n’avez d’ailleurs pas
besoin d’avoir constamment le texte sous les yeux comme l’œil va plus vite
que la voix, habituez-vous à retenir un ensemble de mots et à le dire tout en
regardant votre auditoire. (Il est évidemment préférable, quand cela est
possible, d’avoir pris connaissance auparavant de qu’on aura à lire.)
III.1.1.B. ETRE CLAIR
III.1.1.B.1. Les groupements de mots
Sous peine de devenir inintelligible, groupez, dans votre lecture,
les mots qui, pour le sens et la construction, constituent des sous-ensembles
de la phrase.
Ainsi on pourra grouper les mots comme indiqué dans l’exemple
suivant (le double trait marquant une pause plus importante) :
Le gouvernement japonais a annoncé, //mardi 17 mars, // des
mesures de stimulation de l’activité et de stabilisation des prix. // Celles-ci
portent/principalement/ sur une baisse du taux d’escompte/ qui revient de
2,25 à I,25 %, // l’octroi anticipé de contrats de travaux publics,// une
relance de la construction dans le secteur privé,// des mesures d’assistance
financière aux petites et moyennes entreprises/ très touchées depuis des
mois,// comme le montrent les nombreuses faillites/ qui se sont produites
parmi elles.
Cependant l’emplacement et la durée des pauses ne dépendent pas
seulement du souffle du lecteur et de son intention de rendre le texte
intelligible, mais aussi du désir de faire ressortir telle ou telle indication en
fonction d’une situation de communication déterminée.
III.1.1. B.2. La ponctuation
Elle signale les principaux groupements qui doivent être
respectés, dans une certaine mesure, la durée des diverses pauses. Mais il ne
suffit pas de régler mécaniquement sa lecture sur elle. Ainsi, dans l’exemple
proposé ci-dessus, l’adverbe principalement doit être détache, parce qu’il
exprime une réserve importante et qu’il ouvre une énumération donc il faut
bien marquer les termes successifs.
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III.1.1. B.3 Les liaisons
La rencontre de certains sons est désagréable à l’oreille et donne à
la prononciation une allure saccadée qui peut même vous amener à
bafouiller. D’où la nécessité de respecter à la lecture, plus scrupuleusement
que dans la conversation courante, les liaisons.
La liaison se fait entre deux mots groupés par le sens; on dira par
exemple: « il parlait encore », « un problème particulièrement épineux »,
« d’autres aspects ». On ne fait pas la liaison entre deux mots faisant partie
de groupes différents; on dira donc : « ces problème(s)/ ont perdu de leur
intérêt », « sans eu(x)/on ne peut rien faire ».
Si certaines liaisons sont obligatoires (par exemple, celles qui
permettent de distinguer le singulier du pluriel dans les conjugaisons: il
arrive/ils arrivent), d’autres sont facultatives (on peut dire par exemple:
« vous aussi » ou « vou(s) /aussi »); d’autres mêmes sont d’une recherche
excessive, peu naturelles : « vers elle », « de part et d’autre ».
D’ailleurs, dans la pratique, l’usage est assez variable; on a
tendance aujourd’hui à faire de moins en moins de liaisons. Retenez que le
langage soigné (conférence, lecture) lie davantage que la conversation
familière.
Quelques règles1
— on lie un adjectif au nom qui le suit: « un grand homme », « de
nombreux amis », «le second élément », « certains aspects »… ;
— on ne lie pas un adjectif au nom qui le précède : «les événement(s)/
actuels », «des salaire(s) /avantageux »; on entend pourtant souvent
cette liaison, surtout dans le langage soutenu. (Exception : les
groupe(s) / inséparables comme « les États -Unis » «le cas
échéant ».)
— inutile aussi de faire la liaison d un t ou d’un d après -r: « de par(t)
en part », « à tor(t) et à travers », «bor(d) à bord », «le nor(d)-est ».
Attention :
On fera attention aux liaisons «mal-t-à propos» bien connues !
C’est très souvent un s malencontreux (prononcé z) qu’on introduit là où il
n’a que faire:

1 Vous trouverez, si nécessaire, des renseignements plus abondants dans la
Grammaire du français contemporain. Larousse, p. 24. § 27, ou dans La
prononciation française, Traité pratique, de M. Grammont, Delagrave, pp. 129-
135.
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«Il est bien trop z-intelligent pour.. » (par analogie avec « très intelligent
»); « qu’as-tu z-apporté » (à cause de «qu’avez vous apporté »); « moi zaussi » (à cause de «vous aussi »); «quatre z-enfants » (à cause de deux
enfants, trois enfants).
III.1.1.C. ETRE VIVANT
Même correcte et claire, la lecture, que l’on croit plus facile que la
parole improvisée, est très souvent morne, ennuyeuse et ne retient pas
l’attention des auditeurs. Pourquoi ? La parole est rendue diverse et animée
par la recherche de l’expression qui arrive aux lèvres selon la vie de la
pensée, tantôt lente, tantôt pressée, tantôt hésitante; mais dans la lecture à
voix haute, l’esprit du lecteur se livre à une activité plus mécanique, les
termes lui sont fournis sûrement, régulièrement. Du coup, le lecteur est
entraîné vers une cadence monotone; il lui faut faire un effort pour l’éviter.
C’est une question de rythme et de ton.
III.1.1.C.1. Changez de rythme
Que la vitesse de votre débit ne soit pas uniforme. Tout n’est pas
capital dans ce que vous lisez : vous pouvez lire plus vite – sans bredouiller
certains membres de phrase moins importants, et sur un rythme plus large
ce qui vous semble intéressant. Si vous avez parcouru au préalable le texte à
lire, vous pouvez prendre la précaution de souligner les endroits où votre
lecture sera plus lente, plus appuyée.
Par un arrêt marqué, un silence, rompez la régularité du débit,
détachez le mot important, celui qui doit frapper l’auditoire. Mais n’abuse,
pas de ce procédé : si vous insistez en trop d’endroits, tout se retrouvera au
même niveau et l’attention trop sollicitée ne retiendra rien.
III.1.1.C.2. Variez le ton
Vous savez ce que c’est qu’une voix monocorde: elle énonce tout
sur la même note. Il ne s’agit pas de chanter, bien sûr, mais d’étendre un
peu votre registre. Les interrogations que comporte votre texte, les
parenthèses sont déjà une occasion d’utiliser des « notes» plus hautes ou
plus basses.
Méfiez-vous des fins de phrases : ne laissez pas tomber la voix
(ou ne la montez pas) systématiquement.
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Enfin, traduisez par vos inflexions de voix les intentions de
l’auteur : ironie, gravité, mais seulement s’il y a lieu, et sans excès.
III.1.2. Les types de lecture
Il existe plusieurs formes de lecture dont chacune vise une fin
déterminée. Pour la clarté, nous en distinguerons trois genres, étant entendu
qu’un même livre peut, en fait, répondre à plusieurs fins, voire participer
des trois :

  1. Nous appellerons lecture-distraction celle d’un premier type. On lui
    demande un divertissement, un amusement, une détente, une évasion.
    Elle a la vertu de faire diversion à nos soucis, à nos préoccupations, de
    diminuer l’ennui d’un long trajet en avion, etc.
  2. Le second type de lecture est plus malaisé à nommer. Nous
    l’appellerons lecture-culture, sans nous dissimuler combien le terme
    risque d’être équivoque. Nous entendons par là la lecture et la
    connaissance des œuvres majeures que la postérité nous a léguées.
    Par opposition aux livres de distraction, on reconnait les livres de
    culture à ce qu’ils se révèlent inépuisables et qu’à chaque lecture nouvelle,
    on n’y trouve pas moins mais plus.
    Une telle lecture est une stimulation de l’esprit et de la réflexion.
    Notre esprit de lui-même tend toujours à l’indolence. Il a besoin d’une
    intervention étrangère pour découvrir et exploiter ses propres richesses. La
    vertu de la lecture- culture est donc de nous éveiller nous-mêmes, de nous
    élever et de développer par cette médiation notre propre personnalité.
  3. Le troisième type de lecture, auquel s’applique à peu près uniquement le
    résumé, peut être dit lecture-information.
    Il est bien vrai que le développement des moyens de
    communication orale ou audio-visuelle (radio, téléphone, visiophone,
    télévision) est très rapide et en accélération constante. A certains égards, la
    bande magnétique, le film, le microfilm, etc. remplissent un rôle analogue à
    celui du texte écrit, mais ils sont d’un usage beaucoup moins commode.
    Il est bien vrai également que ces moyens transmettent ces
    messages sous une forme plus attrayante que le texte imprimé ou
    dactylographié. Mais, contrairement à une idée très répandue, la
    communication audio-visuelle n’est pas en train de se substituer à
    l’expression écrite. La production de textes imprimés, à l’exception des
    quotidiens, non seulement ne baisse pas, mais double tous les dix ans dans
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    les pays industriels et l’expression écrite y prend une place toujours plus
    importante sous forme dactylographiée, imprimée ou informatique.
    Si l’écrit n’est nullement menacé par le moyen audio-visuel, ce
    n’est pas seulement qu’il constitue une mémoire. Sa nécessité ou son utilité
    viennent aussi de la vitesse de transmission du message au lecteur.
    Encore faut-il savoir lire. « Mais le plus grand nombre des
    candidats n’est entraîné ni à la lecture intensive ni à la rédaction précise…
    Plus encore que dans la rédaction, c’est dans la lecture, semble-t-il, que le
    déficit est grave. Cela provient sans doute de ce qu’en «terminale» et en
    «préparatoire», on s’informe superficiellement ou on bachote, mais on ne lit
    plus en prenant des notes et en réfléchissant» (E. S. S. E. C’.).
    III.1.3. COMMENT LIRE L’INFORMATION
    Nous bornerons ici à rappeler l’importance des facteurs d’ordre
    physique, physiologique (position favorable, correction de la vue, nécessité
    d’un bon éclairage, etc.) et psychologique (calme propice à la
    concentration), pour nous en tenir à quelques indications élémentaires sur
    les principes d’une bonne lecture.
    Pour éliminer les reliquats de la lecture orale, il faut s’exercer à
    corriger de mauvaises habitudes :
  • Ne pas épeler, ne pas syllaber, ne pas lire mot à mot. Ce n’est pas
    seulement que l’audition, même intérieure, d’un mot est beaucoup plus
    longue que sa simple perception, mais que l’inclination à écouter la
    prononciation des mots et à suivre le mot à mot nuit à la
    compréhension.
  • Ne pas suivre le texte du doigt ou avec un crayon. etc. En effet,
    suivre les lignes du bout de l’index n’a pour but, d’ailleurs
    inconscient, que de retenir les yeux sur le mot que les organes
    phonatoires sont en train d’articuler intérieurement, de les freiner ou de
    les arrêter dans leur mouvement pour aller de l’avant à la recherche des
    idées contenues dans la phrase. Autrement dit, lecteur ne peut pas lire
    plus vite que le mouvement de son doigt et il suit le texte au lieu
    d’anticiper sur lui.
  • S’habituer à identifier les mots très longs en évitant les dyslexies.
  • Eviter d’articuler, en lisant sans remuer les lèvres, c’est-à-dire sans
    cette parole intérieure ou subvocalisation, qui est la forme le plus
    souvent inconsciente de la lecture orale. Elle met en jeu une tension
    musculaire qui réduit automatiquement la vitesse de la parole. Il faut
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    absolument apprendre à chercher le sens des phrases sans soutien
    auditif ou digital.
  • Eviter la régression non voulue et également inconsciente ou le
    chevauchement, qui rompent le rythme, brisent la continuité et
    retardent la compréhension.
    En second lieu, il faut, positivement :
  • Habituer l’oeil à anticiper et à aller de l’avant avec dynamisme.
  • Lire par groupesde mots ayant une signification propre.
    Enfin, il faut adapter le rythme de la lecture à la difficulté du
    texte, à l’instar du cycliste qui utilise le changement de vitesse selon le
    profil de la route.