III.3.DISCUSSIONS ET TRAVAIL EN GROUPE

De plus en plus, dans les entreprises comme dans les associations,
les décisions sont élaborées au cours de réunions. Les idées de chacun sont
sollicitées, et il faut apprendre à participer efficacement à cette forme de
consultation et d’activité collective. Le vocabulaire, sans cesse renouvelé à
ce sujet, en prouve le succès : ce ne sont partout que colloques, débats,
symposium, journées d’études, séminaires, congrès, rencontres, briefings,
sessions, etc. Nous limitons notre examen aux réunions de travail.
Vous noterez la différence entre le débat (confrontation
d’opinions déjà établies et qui cherchent chacune à l’emporter sur les
autres) et la discussion (recherche collective d’un accord, de la meilleure
solution possible). C’est bien entendu de cette dernière que nous nous
occupons.
III.3.A. CONNAÎTRE L’OBJECTIF ET LES MODALITÉS DE
LA DISCUSSION
L’animateur de la réunion doit réfléchir à la forme et au contenu
de la discussion, le participant doit s’en informer pour jouer un rôle utile.
Faute de ces mises au point préalables, la réunion sera mal préparée,
l’échange incohérent, et le but souhaité ne sera pas atteint.
III.3.A.1. Un objectif précis
Fixé en tenant compte des possibilités, des intentions et des
circonstances, il détermine la nature de la réunion. En gros, les objectifs se
réduisent à deux types:
• L’information et la recherche : on ne désire pas aboutir à une prise
de position collective, on ne vise qu’à échanger, opposer, susciter des
points de vue; les participants explorent, parfois à l’aide de leurs
contradictions, des faits ou des idées. La discussion appelle
l’intervention de chacun, la mise en commun des connaissances, des
expériences, des réflexions. Plus que de compétition, il s’agit de
coopération; plus que de controverse, il s’agit de critique
constructive. Une discussion de ce type représente souvent un
moment d’investigation collective en cours d’études, avant la phase
terminale qui sera celle de la décision à prendre. Ces discussions
ouvertes assurent en même temps une large information de tous les
participants.
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• La décision : la discussion est prévue pour qu’à son terme soi
dégagée une conclusion reconnue préférable par la majorité ou par
les responsables qui cherchaient à être éclairés. L’objectif en ce cas
peut être:
a) Un choix théorique ou d’orientation générale : l’examen des idées ou
des positions est conduit de façon à éliminer les propositions qui
paraissent les plus fragiles, les plus aléatoires ou les plus difficiles, au
profit de celle qui présente le maximum d’avantages : adaptation,
efficacité, etc.
b) Une décision d’action : elle suit souvent la résolution précédente sur
les principes; la discussion a un caractère pratique et concret; elle mène
à la détermination d’une activité précise.
III.3.A.2. Des conditions de travail
 L’organisation matérielle
On disposera le mobilier de façon à faciliter les échanges, la
participation active de chacun. On sait combien la disposition traditionnelle
des salles de cours crée une idée de dépendance à l’égard du maître et
interdit à peu près d’autres échanges qu’avec lui. On placera donc sièges et
tables, autant que possible, de manière à ce que tous les participants soient
au même niveau et se voient de face (disposition en cercle, rectangle,
triangle…).
 Le sujet
Il a été quelquefois précisé avant la réunion, ou bien il est annoncé
dès le début par l’organisateur. S’il ne paraît pas suffisamment explicite,
vous devez poser toute question permettant de le circonscrire. Un thème
trop vague ne suscitera pas une décision précise : le sujet, par la force des
choses et au besoin suivant l’évolution de la discussion, sera proportionné
aux autres conditions de la réunion; souvent les interventions obligent à le
redéfinir.
 Les participants
a) Que le groupe ou l’assemblée soit réuni régulièrement ou
occasionnellement, vous serez attentif au comportement collectif et
vous vous y adapterez. Vous décèlerez les personnes qui jouissent
d’une autorité reconnue, qui, comme on dit, ont l’oreille de
l’assemblée. Vous déterminerez le degré d’attention, l’intérêt pris à la
discussion, les réactions de corps ou l’esprit d’indépendance dont les
participants font preuve. Vous adapterez la durée de vos
interventions, votre ton, le niveau de votre vocabulaire, la concision
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de vos propos au degré d’information, de compétence et à la position
sociale ou individuelle des autres.
b) Vous tiendrez compte aussi de certains caractères individuels un tel
supporte mal la contradiction directe, vous éviterez de le heurter
inutilement; un autre prend prétexte de tout pour monopoliser la
parole, vous veillerez à ne pas lui tendre la perche. C’est là le
moment d’exploiter votre expérience et, éventuellement, votre
formation psychologique.
c) En fonction de cette reconnaissance des autres participants, vous
vous situerez vous-même. Êtes-vous sur un pied d’égalité avec eux
tous? Devez-vous respecter une hiérarchie ? Vous trouvez-vous dans
un milieu familier et avec lequel vous communiquez facilement ou
dans une compagnie qui vous est étrangère et par laquelle vous avez
à vous faire admettre ? Assistez-vous comme simple observateur ou
comme participant de plein droit ?
 La durée
Elle n’est pas toujours fixée à l’avance ni surtout observée
rigoureusement en fait. Mais il est bon de ne pas la perdre de vue. Votre
intervention variera d’après l’heure, le rythme des travaux. Vous saurez que
la dernière partie d’une discussion est la plus délicate et que ce n’est plus le
moment de développer des détails secondaires.
 La nature de la réunion
a) Entretien informel
Si la discussion est improvisée, ne se déroule pas dans un cadre
hiérarchique ou institutionnel, ou si volontairement elle n’est pas dirigée ni
organisée, les participants jouissent d’une liberté d’intervention et de point
de vue. Dans ce type non directif d’entretien et de confrontation, la
discussion est une création collective et chacun peut apporter
généreusement des idées auxquelles il tient ou que la discussion fait naître
en son esprit. Alors aucune règle ne s’impose, mais il faut savoir malgré
tout que plus ou moins rapidement une ou plusieurs personnalités, les plus
actives, les plus autoritaires ou les plus compétentes, se révéleront comme
jouant un rôle directeur — de «leader » — dans l’évolution du débat.
Si vous voulez être efficace au cours d’une telle discussion, vous
avez toujours à tenir compte de ce qui a été dit avant, de l’évolution des
positions des autres, du progrès de la réflexion et de l’objectif proposé ou
auquel vous désirez vous-même parvenir. Vous n’avez pas à respecter une
procédure. Mais vous devez prendre conscience des relations qui
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s’établissent entre les personnes et les opinions. Et cette observation guidera
vos interventions.
b) Discussion dirigée
Bien que la discussion non-directive connaisse une faveur
provoquée par les recherches sur la dynamique des groupes, bien qu’elle
contribue au développement de la personnalité dans le cadre social et
professionnel, elle ne peut constituer la forme la plus fréquente de la
réunion de travail. Elle exige du temps, des techniques précises et ne
parvient pas facilement à une solution du problème posé. C’est pourquoi,
bien souvent, vous serez convié à des réunions dirigées, que la structure soit
définie par des règles ou par la volonté de l’organisateur ou par l’accord
préalable des participants.
Le directeur (président-responsable-animateur) assume alors une
fonction très nette:

  • il veille à ce que la discussion ne s’écarte pas du sujet,
  • il ordonne la succession des interventions, et assure la liberté
    d’expression de chacun,
  • surtout quand la discussion devient plus confuse, il essaie de faire le
    point, de résumer ce qui a été dit et de faire progresser l’examen
    collectif,
  • au terme de la séance, c’est lui qui fait la synthèse des résultats
    obtenus.
    Le participant doit se plier à la discipline imposée par l’animateur,
    tout en réclamant, si besoin est, la prise en considération de son point de
    vue. Il vous faut donc connaître les règles et habitudes observées si la
    discussion a lieu dans un cadre institutionnel ou hiérarchique (société,
    réunions organiques ou régulières, etc.). Vous tâcherez de vous en informer
    auparavant. À défaut, l’observation vous renseignera.
     Les documents de travail
    Fréquemment les assistants sont pourvus de rapports fournissant
    les éléments d’information préalable. Ou bien un exposé est fait au départ
    de la discussion. Il faut les étudier, s’y référer, et éviter de perdre du temps
    en reprenant ce qu’ils contiennent. II faut aussi ne pas hésiter à demander
    les précisions souhaitables.
    Lors de cet examen des documents, vous noterez les points
    discutables, et donnerez ainsi une base à vos interventions.
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    III.3.B. VOTRE INTERVENTION
    III.3.B.1. Écouter
    Quelle que soit votre impatience d’exprimer votre opinion,
    rappelez- vous que dans une discussion vous n’êtes pas seul et que vous
    assumez un rôle social. Ce que pensent et disent les autres est aussi
    important que la valeur propre de votre point de vue. Sachez être un
    auditeur actif, c’est-à-dire ne méprisant ou ne négligeant pas a priori la
    pensée d’autrui, s’efforçant de suivre et de comprendre les diverses idées,
    cherchant à en saisir les motivations, étudiant leurs faiblesses ou leurs
    qualités. Dans une discussion animée, ne vous fiez pas à votre mémoire.
    Chaque point de vue nouveau chasse les précédents. Nous vous conseillons
    d’inscrire sur une feuille en deux ou trois mots le sens de chaque
    intervention, quitte à prendre des notes plus précises quand un participant
    développe un argument important ou quand vous critiquez ce qui est dit.
    Ainsi vous préparerez une intervention pertinente.
    III.3.B.2. Que dire?
    Évitez :
    a) l’excès de timidité qui contraint le débutant au silence, et lui laisse
    ensuite des regrets quand il se rend compte que d’autres expriment
    des idées qu’il avait lui-même déjà trouvées;
    b) l’intempérance et la confusion d’interventions multipliées : vous
    lassez, vous agacez.
    Dégagez nettement le point de vue auquel vous tenez, cherchez
    des formules capables de le mettre en valeur, proscrivez toute redite de ce
    qui a déjà été lancé dans la discussion. Songez par avance aux objections
    possibles.
    III.3.B.3. Quand le dire?
    C’est affaire de tactique.
    a) Surtout pendant votre apprentissage, essayez de placer votre
    intervention dans le courant de l’échange. Qu’elle soit en rapport
    avec ce qui précède, liée aux autres interventions.
    b) Plus aguerri, vous pourrez choisir au contraire de provoquer un
    retournement ou un déplacement du débat, en en rompant le cours.
    c) Si vous vous sentez assez sûr de vous-même, vous opterez pour une
    intervention dès les débuts de la réunion, afin de l’orienter dans la
    direction que vous souhaitez. En ce cas, vous aurez pu préparer
    avec soin ce que vous allez dire, peut-être même diffuser un texte.
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    d) Mais il est souvent habile aussi de laisser les autres s’exprimer
    avant, pour que les généralités, les lieux communs, etc. soient
    déblayés, pour mesurer également les forces et les intentions en
    présence. L’originalité, la fermeté de votre intervention apparaîtront
    mieux ensuite. N’oubliez pas que les décisions sont arrêtées dans la
    dernière partie de la discussion.
    III.3.B.4 Comment le dire?
    Deuxième aspect tactique. Le choix des arguments, du style, du
    ton de votre prise de parole, leur adaptation à la situation ponctuelle de la
    discussion sont à méditer. Votre calme après un intervenant coléreux, votre
    netteté après un moment désordonné impressionneront.
    En définitive, ce qui compte, c’est de se faire écouter, d’apporter
    du nouveau et du sérieux à l’effort collectif. On néglige qui ne dit rien, on
    s’irrite contre les bavards impénitents, on apprécie ceux qui offrent, même
    maladroitement, une collaboration franche et nette dans l’examen d’une
    question importante