Celui qui n’a pas l’habitude de prendre la parole en public s’en
tiendra d’abord à de courts exposés; il trouvera ici des conseils pratiques
qui lui éviteront de commettre les maladresses du débutant.
IV.1. A. LA PRÉPARATION DE L’EXPOSÉ
Quelques-uns sont capables d’improviser; qu’ils remercient la
nature. La plupart sont obligés de méditer ce qu’ils vont dire et de s’aider de
notes écrites. Quelles préoccupations doit-on avoir ?
IV. 1.A.1. Bien utiliser le temps prévu.
Dès l’instant où vous commencez à réfléchir ou à vous
documenter sur le sujet, songez à proportionner le contenu de l’exposé au
temps dont vous disposerez.
L’utiliser entièrement, ne pas « déborder » n’est pas aussi aisé
qu’on pourrait le croire. Certains traînent, cherchent leurs idées et leurs
mots, se répètent, « gonflent » l’exposé de considérations inutiles; plus
souvent, surtout aux premiers essais, il arrive que le trac précipite le débit,
donnant à l’exposé un rythme trop rapide, impossible à suivre, et «
l’orateur» quitte sa place stupéfait de n’avoir « tenu» que quelques minutes.
Pour vous débarrasser de l’angoisse d’être « trop court » ou « trop
long », prévoyez un certain jeu, c’est-à-dire quelques idées secondaires que
vous aurez la liberté de développer ou d’abandonner : surveillez votre
montre.
IV. 1.A.2. Que faut-il écrire?
Des notes trop sèches, trop réduites, vous laisseront peut-être « en
panne » : qu’ai-je voulu dire par là ? Qu’avais-je mis sous ce titre ?
Les débutants ont plutôt tendance à rédiger le texte complet de
leur exposé : ils se sentent ainsi à l’abri, il n’y a plus qu’à lire.., quitte à
endormir l’auditoire.
Évitant ces erreurs, vous relèverez:
a) un plan, très clair et assez détaillé. Recherchez la formulation la plus
brève et la plus nette; utilisez des caractères de dimensions différentes
ou des couleurs pour distinguer idées principales, idées secondaires,
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exemples… Numérotez; vous n’hésiterez pas d’ailleurs à annoncer ces
divisions : «premièrement, deuxièmement… ».
b) les chiffres, les citations, l’indication des pages de livres ou de revues
dont vous voulez lire un passage; placez dans l’ouvrage un signet, de
façon à éviter les «temps morts ». Le volume des notes dépend
évidemment de votre mémoire et de la difficulté du sujet pour vous
(très technique ou non, bien ou peu connu).
Écrivez entièrement votre introduction et votre conclusion, ce qui
vous permettra de ne pas bafouiller au départ et de terminer avec fermeté.
IV.1. A.3. Comment disposer ces notes?
La présentation doit être aussi claire que possible pour faciliter le
repérage: où en suis-je ? Qu’est-ce qui vient après ?
— Écrivez très lisiblement; aérez vos notes.
— Employez un papier de bon format; on met parfois de la coquetterie à
n’utiliser que des petits bouts de papier très discrets. Nous ne le
conseillons pas aux débutants.
— N’écrivez que sur un seul côté de la feuille et paginez; évitez d’agacer
ou d’amuser vos auditeurs en vous interrompant pour chercher la suite,
en froissant du papier devant le micro.
Ces précautions prises, il faudra, le moment venu, vous faire
confiance à vous-même pour la part d’improvisation qui reste. Vous vous
apercevrez qu’avec un peu d’habitude, on arrive presque toujours à terminer
correctement la phrase dans laquelle on s’était engagé imprudemment.
Vous veillerez à ne pas trop répéter le même mot ou la même formule (ou le
même son, car le phénomène d’écho ou de rime est assez fréquent). Ne
vous imaginez pas que tout est perdu si vous avez à corriger une
construction, à chercher une expression plus juste : ces améliorations
spontanées donnent au contraire à votre «discours» une allure vivante.
IV. 1.B. LA RÉUSSITE MATÉRIELLE DE L’EXPOSÉ
Des indications générales ont été données à propos de la lecture à
haute voix : articuler, regarder l’auditoire, etc. (voir partie réservée cidessus à la lecture à haute voix). Mais certaines conditions, certaines
difficultés sont propres à l’exposé.
IV.1. B.1. Assurez-vous que tous vous entendent.
Gênés par le «trac », absorbés par ce qu’on a à dire, on oublie
parfois qu’on doit transmettre quelque chose à quelqu’un. D’où des exposés
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inaudibles, même à 2 ou 3 mètres seulement, et cette situation peut se
prolonger jusqu’au moment où le public proteste.
Parlez pour celui qui est le plus éloigné de vous. Ne criez pas c’est
le moyen le plus sûr de se fatiguer et de n’être même pas écouté. Une
intensité de voix moyenne suffit habituellement, à condition que vous
articuliez avec soin.
Tenez compte des bruits ambiants (circulation dans la rue,
machines, etc.). Au besoin interrogez les auditeurs «M’entendez-vous bien?
».
On produit plus souvent une mauvaise impression à cause d’une
diction défectueuse que par suite d’une insuffisance d’idées ou d’un
manque d’ordre.
IV.1. B.2. Le micro n’est pas la panacée
Beaucoup manifestent une fierté naïve lorsqu’ils se trouvent
devant un public et… un micro (Me voilà speaker !).
Vous serez dispensé d’efforts vocaux, mais n’oubliez pas :
- de mettre au point l’installation (essai, réglage d’intensité, élimination
des résonances, des sifflements),
- de vous « adapter » au micro (distance de 25 à 30 cm, orientation de
l’appareil, articulation nette),
- d’éviter tout bruitage intempestif (faire glisser les feuilles l’une sur
l’autre sans les tourner; ne pas les tenir à la main si l’on tremble; ne
pas bousculer le micro ni déplacer le fil; éliminer bruits de bouche,
raclement des pieds, grincement du siège; se moucher de côté, etc.).
Ces contraintes matérielles ont pour effet de figer celui qui parle :
plus question de se lever et de s’asseoir, de se déplacer, d’aller au tableau et
de revenir. Quelques mouvements des bras et de la tête sont seuls permis; à
vous de ne pas les rendre trop mécaniques. Il existe des micros sans fil, «
baladeurs », des micros « cravates », qui donnent de l’aisance à votre
gestuelle.
IV.1. B.3. Utilisez adroitement le tableau
Si vous le pouvez, dessinez à l’avance vos croquis, schémas, etc.
Le tableau dit de conférencier (chevalet sur lequel est fixée une liasse
épaisse de feuilles de grand format) est, malgré ses dimensions plus
restreintes, souvent préférable au tableau noir traditionnel: couleurs plus
vives et plus variées, liberté de préparer et de conserver de nombreuses
pages d’inscriptions, de revenir en arrière.
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Dans ce cas, il vaudrait mieux ne démasquer votre tableau qu’au
moment de vous en servir. Vous produirez ainsi un léger effet de surprise et
surtout vos auditeurs n’auront pas été distraits par vos « graffiti » depuis le
début de l’exposé. Placez-vous de côté, pour ne gêner personne, au cours de
la démonstration; munissez-vous d’une règle ou d’une baguette.
Si vous devez écrire au tableau, en même temps que vous parlez :
- vérifiez auparavant que vous avez de la craie, une éponge à votre
disposition, ou des feutres de diverses couleurs, suivant le tableau
utilisé,
- utilisez méthodiquement toute la surface; partez de l’angle gauche
supérieur,
- écrivez gros et lisiblement,
- continuez à parler en même temps que vous écrivez (mais attention que
l’on vous entende…),
- déplacez-vous sur le côté dès que possible.
De même, si vous avez besoin d’un matériel divers, prenez toutes
les précautions nécessaires pour éviter des « trous » et ne pas « rater » la
démonstration.
Soyez persuadé que votre exposé sera plus efficace si vous utilisez
un tableau ou si vous montrez une pièce, une maquette, etc. Mais
connaissez bien votre sujet, car il vous sera plus difficile de consulter des
notes en même temps.
La réussite matérielle de votre exposé dépendra aussi de votre
attitude, de votre tenue; rappelez-vous que «l’imagination dispose de tout »,
selon le mot de Pascal, et ne ressemblez pas à son prédicateur qui, la voix
enrouée, le visage rasé à moitié, déclenche le rire malgré la gravité du sujet.
IV.1. C. INTÉRESSER L’AUDITOIRE
Certains estiment que la qualité intellectuelle de l’exposé en
garantit le succès (je suis bien informé, ils n’ont qu’à m’écouter !)
établissant ainsi entre eux-mêmes et le public un rapport d’autorité.
Maladresse comparable à celle du professeur, directeur, etc. qui pense (et
toute son attitude le prouve) : «Je suis le professeur, le directeur… ils
doivent m’écouter.»
Sans doute entre spécialistes appréciera-t-on surtout la valeur, la
nouveauté de l’information, mais on sera sensible à l’agrément de la
présentation. Les exposés les plus techniques, les plus arides peuvent être
vivants.
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IV.1.C.1. Retenez l’attention
N’oubliez pas que l’auditeur ne peut, comme un lecteur, revenir
en arrière, s’il s’est égaré, pour reprendre la bonne direction. II faut donc
être d’une netteté encore plus évidente qu’à l’écrit dans l’enchaînement des
idées ou des faits. Pour cela, n’hésitez pas à marquer avec force les
articulations de votre discours; les transitions dans ce cas peuvent être plus
lourdement soulignées que dans un texte écrit: mieux vaut un peu de
lourdeur qu’une subtilité ingénieuse qui risque de n’être pas saisie au vol.
(Vous pouvez même présenter au tableau le schéma de votre discours, au
fur et à mesure).
Tout message oral subit obligatoirement une perte : un moment
d’inattention, une toux malencontreuse, et l’auditeur aura perdu un passage
pourtant essentiel. D’où la nécessité de se répéter lorsqu’un point de
l’exposé est particulièrement important, pour être sûr qu’il a bien «
passé la rampe ». Ne soulignez pas votre insistance par une phrase
maladroite (« je me répète un peu, je m’en excuse »), efforcez-vous
plutôt de varier les formulations d’une même idée.
• Ne pas ennuyer doit être la première préoccupation. L’auditoire est, en
général, très attentif au début d’un discours, assez attentif sur la fin, mais
il y a un redoutable creux de la vague vers le milieu. Il faudra tenir
compte de cette courbe habituelle et réagir dès que vous sentirez que vos
auditeurs, qui se sont fait une opinion sur vous et sur vos idées, vous
«lâchent ». Évitez pour cela deux écueils : obscurité, monotonie.
• Variez le parcours : la monotonie est très pénible pour l’auditeur ; et
pour l’orateur qui se rend souvent compte qu’il est ennuyeux comme un
jour de pluie, mais ne sait où trouver un rayon de soleil. Vous éviterez
l’uniformité :
• Dans la matière même du discours, en faisant succéder à un
développement abstrait un exemple concret, parfois en citant une
anecdote amusante et significative;
• en coupant votre exposé par la projection de vues fixes, de films, par la
communication de notes écrites, etc. ; au besoin, distribuez des textes
(schémas, graphiques, dessins, statistiques, etc.) pour faciliter et éclairer
vos explications.
IV.1.C.2. Animez votre exposé
Si vous manquez de dons naturels, ne sombrez pas dans le
pessimisme : la réflexion, l’entraînement et l’expérience peuvent amener
des progrès surprenants. On apprend à parler.
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• Variez les formules d’entrée en matière et de conclusion. Rien de plus
lassant que d’entendre «Je vais vous parler de, le sujet de cet exposé
est, Pour conclure, En guise de conclusion… » ou même «Euh, Eh
bien ! Aujourd’hui… », «Voilà, j’ai fini ».
Les anciens orateurs apprenaient à s’attirer dès le début la
sympathie du public. Essayez, vous aussi une introduction heureuse vous
gagne l’auditoire.
La conclusion sera ferme, élégante si possible : résumé vigoureux,
phrase dégageant la portée de l’information ou montrant ses rapports avec
d’autres problèmes. Fuyez la platitude, mais aussi la recherche excessive ou
la citation banale et « tirée par les cheveux »; ce dernier moyen devient
parfois ridicule.
• Prévoyez des « relais », des moments où vous ressaisirez, un auditeur
qui se lasse vite, même pour un bref exposé : présentation piquante
d’un argument, comparaison, tour interrogatif, exclamatif, trait
d’humour, etc. Si vous n’osez vous fier à votre « créativité », préparez
à l’avance ces formules. Mais courage ! Tel découvrira avec joie qu’il
est bien plus adroit qu’il ne l’imaginait. Il suffisait de se jeter à l’eau.
IV.1. C.3. L’efficacité
Dans ce genre de « discours », on s’efforce avant tout de bien
« faire passer » une information ou une opinion, c’est-à-dire d’être
exactement compris.
Rappelons seulement ici trois moyens pour « être suivi » et attirer
l’attention sur l’essentiel :
• bien marquer la succession des développements; indiquer au besoin
le plan;
• formuler avec vigueur les idées principales, en particulier celles qui
trouvent naturellement leur place au début et à la fin de chacun de ces
développements;
• changer de rythme, de force et d’intonation. Quand vous indiquez
un résultat important de votre enquête, ralentissez, articulez davantage,
changez de ton (voix plus grave généralement).
Vous pouvez aussi répéter (sans en abuser), ménager un court
silence avant ou après, etc. Inutile de multiplier les conseils théoriques : que
chacune de vos expériences soit une occasion de réflexion et de progrès.